En ce mois de novembre où le temps commence à se rafraîchir sérieusement, je vous invite à vous installer douillettement dans un fauteuil confortable, pour une agréable séance de lecture...
Mais avant : quelques nouvelles de Courson (quand même). Le temps était magnifique, et le stand tout autant. L'association a été récompensée par une "Mention spéciale", pour l'aspect pédagogique et esthétique de son stand (et nos amis de l'association Edouard André aussi). Nous avons eu quelques nouvelles adhésions, et plusieurs contacts intéressants pour l'association. Encore une fois, nous avons pu vérifier que les membres présents sur le stand font d'intéressantes rencontres professionnelles... donc, n'hésitez pas à venir vous y montrer quand vous avez un moment ! Les cartes de visites confiées par certains d'entre vous ont suscité l'intérêt de nombreuses personnes, et nos stocks diminuent, vous pouvez donc réapprovisionner pour la prochaine fois...
Un grand merci à tous nos membres venus passer un moment sur le stand et apporter leur aide plus que précieuse !
Bien, passons à nos lectures, à présent.
Pour commencer, sonnez trompettes ! célébrons la naissance de la revue Jardins, fondée par Marco Martella -Ancien du Master et Fidèle de Racines (AMFR)... Ceux qui ont participé au pique-nique du Master en juin dernier se souviendront de lui et de son généreux accueil à l'Ile verte. Ce premier numéro est consacré au Génie du lieu, avec des contributions de Philippe Jaccottet, Augustin Berque, Gilles Clément, Sylvain Hilaire et Marco Martella... entre autres !
La revue sera disponible en librairie et sur le site de l'éditeur (http://www.editionsdusandre.
Le prix est de 16 euros, mais de 12 euros seulement pour les membres de Racines. Il vous suffit d'envoyer un chèque aux Editions du Sandre (57, rue du Dr Blanche, 75016 Paris) en précisant que vous êtes membre de l'association. Merci Marco et merci à l'éditeur !
En attendant, nous pouvons nous mettre en appétit avec l'introduction de ce premier numéro:
« And we’ve got to get ourselves back to the garden »
(Joni Mitchell, Woodstock)
Tous les jours, des lieux disparaissent.
Des recoins du monde, créés par l’homme et par la nature, imprégnés d’un sens qu’on devine sans jamais le saisir, dotés d’un caractère, d’une voix presque, sont effacés.
Selon les Romains, chaque espace était habité par une divinité mineure, un genius loci garant de sa singularité. S’installer dans un lieu, y bâtir, supposait un dialogue, une négociation avec le dieu. Comment faire en sorte qu’il demeure ? Pour les Anciens, le danger était d’habiter un monde dépourvu d’esprit et donc de sens.
Aujourd’hui, les lieux se font rares. Banalisés, convertis en espaces fonctionnels, non-affectifs, à traverser sans qu’aucun échange ne s’opère entre l’individu et le décor.
Ayant perdu le sens du lieu, l’homme divisé se coupe chaque jour un peu plus du monde.
Le jardin, qu’il soit ancien ou moderne, princier ou ouvrier, utilitaire ou d’agrément, caché ou public, est un laboratoire. Depuis toujours, les hommes y expérimentent des manières d’être sur terre, entre nature et culture. Autrefois, il condensait des rêves de beauté idéale ou des cosmogonies. Désormais, il est peut-être avant tout un enclos de résistance. Parce qu’il échappe au marché, comme le dit Gilles Clément. Parce qu’on ne peut le consommer et qu’il nous met toujours en présence d’un lieu.
Explorer le jardin comme espace poétique et existentiel, telle est l’ambition de cette revue.
Chaque voix qui interroge un jardin, y ouvrant un chemin nouveau, a sa place dans ces pages. Chaque regard aimant qui, sans stériliser son objet, pour citer Jaccottet, sans prétendre le cerner, fait apparaître son mystère. Son genius loci.
Marco Martella
On y retrouve notamment un texte de Sylvain Hilaire (AMFR...) sur la Bibliothèque des Solitaires, et quelques phrases d'enfants. Ma préférée: "Pour aller à Port-Royal, nous avons pris un chemin plein de gadoue [...] J'ai planté des échalotes. Enfin, nous avons repris la route pleine de boue. C'était une bonne journée !"
Enfin, pour rire, voici pour vous un jardin de "Fantasy":
Terry Pratchett est un auteur humoriste anglais, créateur du Disque-Monde, "monde et miroir des mondes". Un univers imaginaire et pourtant... si proche. Bonne lecture !
"Les visiteurs de passage à Ankh-Morpork avaient souvent la surprise de découvrir des jardins remarquables jouxtant le palais du Patricien. Le Patricien n'était pas amateur de jardins. Mais certains de ces prédécesseurs si, et le seigneur Vétérini ne changeait ni ne détruisait jamais rien sans raison valable. Il entretenait le petit zoo, l'écurie de course, et reconnaissait même que les jardins proprement dits offraient un grand intérêt historique parce que c'était manifestement le cas.
C'est Bougre-de-Sagouin Jeanson qui les avait dessinés.
Nombre de grands jardiniers paysagistes sont entrés dans l'histoire et ont laissé un souvenir impérissable par les jardins et parcs magnifiques qu'ils ont conçus avec une puissance créatrice et une prévoyance quasi divines, n'hésitant pas à creuser des lacs, déplacer des collines et planter des bois afin de permettre aux générations futures d'apprécier la beauté sublime de la Nature sauvage transformée par l'Homme. Il y eu ainsi Capability Brown, Sagacity Smith, Intuition De Vere Slade-Gore...
Ankh-Morpork eut droit à Bougre-de-Sagouin Jeanson. Bougre-de-Sagouin "ça-fait-un-peu-fouillis-pour-
On tenait le parc du palais pour le point culminant, si l'on peut dire, de sa carrière. Par exemple, il renfermait le lac à truites ornemental long de cent cinquante mètres mais, à cause d'une de ces menues erreurs de notation typiques des plans de Bougre-de-Sagouin, large de trois centimètres. C'était le séjour d'une unique truite qui s'y trouvait à l'aise dès lors qu'elle n'essayait pas d'opérer un demi-tour, et il avait jadis arboré une fontaine ouvragée qui, la première fois qu'on l'avait mise en route, s'était contentée de gronder de façon menaçante pendant cinq minutes avant de projeter un petit chérubin de pierre à trois cents mètres dans l'espace.
Il recelait le hoho, qui était un haha mais en plus profond. Un haha est un fossé dissimulé devant une ouverture dans un mur qui permet aux propriétaires terriens de bénéficier d'une vue dégagée sur la campagne environnante sans avoir du bétail ni des miséreux inopportuns à se balader sur les pelouses. Selon les indications du crayon errant de Bougre-de-Sagouin, on l'avait creusé d'une profondeur de quinze mètres, et il avait déjà coûté la vie à trois jardiniers.
Le labyrinthe était si petit qu'on se perdait à le chercher.
Mais le Patricien aimait plutôt bien les jardins, quoique sans plus. Il avait un avis arrêté sur la mentalité d'une grande partie de l'humanité, et la vue du parc le confortait dans son opinion."
Terry Pratchett, Le Guet des orfèvres, ed Pocket pp. 80-82.
Ne prenez pas froid,
Bien amicalement à tous, et à bientôt !
F.